La jurisprudence française a connu un changement significatif dans la manière dont elle traite les preuves déloyales.
Traditionnellement, les tribunaux rejetaient ces preuves, notamment lorsqu’elles étaient obtenues par des moyens illégaux ou trompeurs.
La surveillance non autorisée, les enregistrements secrets ou d’autres méthodes de collecte d’informations jugées contraires au principe de loyauté dans l’administration de la preuve rendaient ces éléments irrecevables en justice.
Cette règle stricte protégeait les droits des parties en interdisant l’utilisation de preuves obtenues de manière douteuse.
Cependant, les évolutions récentes montrent une flexibilité accrue de la part des juridictions, marquant ainsi un tournant dans la pratique judiciaire.
La position actuelle de la Cour de cassation sur la preuve déloyale
La Cour de cassation a amorcé ce changement en 2011 avec un arrêt marquant ((Cass, Ass Plén., 7 janvier 2011, n° 09-14.316 ).
Cet arrêt a ouvert la voie à une évolution progressive de la jurisprudence.
En 2020, un autre arrêt important a confirmé cette tendance (Cass, soc 30 septembre 2020, n°19-12.058).
La Cour a alors admis la recevabilité des preuves déloyales dans les litiges civils, à condition que leur utilisation soit jugée indispensable et proportionnée au but poursuivi.
Cette ouverture s’est renforcée au fil du temps, notamment en 2023 (Assemblée plénière du 22 décembre 2023, n° 20-20.648 et n° 21-11.330), avec des décisions marquantes.
Les tribunaux ont alors accepté des preuves telles que des bulletins de paie utilisés dans des affaires de discrimination salariale ou des enregistrements effectués par des clients mystères.
En 2024, la Cour a réaffirmé cette approche (Assemblée plénière – Pourvois n°20-20.648 et 21-11.330).
Les juges ont souligné l’importance de l’indispensabilité et de la proportionnalité dans l’évaluation de ces preuves.
Les critères de recevabilité d'une preuve déloyale en justice
Pour qu’une preuve déloyale soit désormais recevable en justice en France, elle doit remplir deux conditions strictes.
- D’abord, elle doit être essentielle pour établir la réalité des faits en litige.
- Ensuite, l’atteinte aux droits de la partie adverse doit être strictement proportionnée à l’objectif poursuivi.
Cette double exigence garantit un équilibre entre la recherche de la vérité et la protection des droits des parties.
Les juges doivent ainsi évaluer, au cas par cas, la pertinence de ces preuves, en s’assurant qu’elles ne portent pas atteinte de manière excessive aux droits fondamentaux des personnes concernées.
Cette évolution témoigne d’une convergence progressive entre la jurisprudence française et les standards européens en matière de preuve.
En somme, la jurisprudence française a évolué pour admettre l’utilisation de preuves déloyales sous certaines conditions.
Cette évolution reflète une volonté d’adaptation aux réalités contemporaines tout en préservant les principes fondamentaux de justice et d’équité.
Les juges français ont intégré dans leur pratique les exigences du droit européen, tout en restant vigilants quant à la protection des droits des parties.