Le harcèlement moral au travail est une problématique reconnue et encadrée par le droit français depuis la loi de modernisation sociale de 2002. Cette reconnaissance repose également sur des directives européennes, telles que l’accord-cadre de 2007, qui établissent des normes pour sanctionner et prévenir ces comportements abusifs. En France, l’Accord National Interprofessionnel (ANI) de 2010 joue un rôle clé en sensibilisant les entreprises et en définissant des politiques de prévention. Les entreprises sont ainsi tenues de mettre en place des mesures spécifiques pour prévenir et gérer les cas de harcèlement, tout en assurant des sanctions appropriées et un soutien aux victimes.
Les fondements juridiques
Le droit français reconnaît le harcèlement moral au travail depuis la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002. Au niveau européen, l’accord-cadre du 26 avril 2007 a établi les bases pour sanctionner et prévenir ces comportements dans les entreprises.
L’Accord National Interprofessionnel (ANI) de 2010
Transposant l’accord européen en France, l’ANI du 26 mars 2010 vise à sensibiliser les entreprises au harcèlement moral et à établir des politiques de prévention. Il définit le harcèlement moral comme des abus, menaces ou humiliations répétés au travail, et la violence au travail comme des agressions allant du manque de respect à l’agression physique.
Mesures de prévention et de gestion
Les entreprises doivent adopter des mesures préventives telles que :
- La rédaction de chartes expliquant les procédures à suivre en cas de harcèlement.
- Le recensement des problèmes de violence ou de harcèlement.
- La prise en compte des propositions des représentants du personnel.
Pour la gestion des cas de harcèlement, elles doivent :
- Mener des enquêtes suite aux plaintes.
- Établir des procédures spécifiques pour traiter ces problématiques.
- Encourager le recours à la médiation.
Sanctions
Les règlements intérieurs des entreprises doivent prévoir des sanctions contre les auteurs de harcèlement et offrir un soutien psychologique aux victimes, tout en assurant leur maintien dans l’emploi dans de bonnes conditions.
Le lien avec le stress au travail
Le stress au travail, souvent lié aux situations de harcèlement, résulte d’un déséquilibre entre les contraintes perçues et les ressources disponibles pour y faire face. L’ANI du 2 juillet 2008 recommande aux entreprises de :
- Prendre en compte les ressentis des salariés.
- Favoriser l’échange et la formation sur la gestion du stress.
- Améliorer l’information et la consultation des salariés.
La définition du harcèlement moral
Le harcèlement moral est défini par le Code du travail français comme des agissements répétés qui dégradent les conditions de travail, portant atteinte aux droits, à la dignité, à la santé ou à l’avenir professionnel du salarié (article L. 1152-1). La répétition des actes est essentielle : un acte isolé, même grave, ne suffit pas. Ces actes peuvent inclure des sanctions injustifiées ou des reproches infondés.
Atteinte aux droits et dignité
Les agissements peuvent être des brimades, des mesures vexatoires, ou tout autre propos ou action blessant et humiliant. Ils n’ont pas besoin de cumuler les atteintes aux droits, à la dignité, à la santé et à l’avenir professionnel pour être répréhensibles.
Il n’est pas nécessaire de prouver l’intention de nuire pour reconnaître le harcèlement moral. Même des actions irréfléchies peuvent être considérées comme du harcèlement.
Les méthodes de gestion peuvent être qualifiées de harcèlement si elles remplissent les conditions définies et sont dirigées contre un salarié en particulier.
La protection contre le harcèlement moral s’applique à tous les salariés, y compris les stagiaires, apprentis, candidats à l’embauche, et les employés de maison. Les témoins et ceux ayant dénoncé le harcèlement sont également protégés, sauf en cas de dénonciation de mauvaise foi.
Les lanceurs d’alerte bénéficient d’une protection contre les représailles. Ils ne peuvent être discriminés, sanctionnés ou licenciés pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral, sauf s’ils agissent de mauvaise foi.
La prévention du harcèlement moral
La prévention commence dès la signature du contrat de travail, qui doit être exécuté de bonne foi (article L. 1222-1). Le règlement intérieur doit rappeler les dispositions sur le harcèlement moral (article L. 1321-2). L’employeur doit informer les salariés du contenu de l’article 222-33-2 du Code pénal (article L. 1152-4) et a une obligation générale de prévention de la santé et de la sécurité (articles L. 4121-1 et L. 4121-2).
L’employeur doit :
- Informer et sensibiliser le personnel.
- Mettre en place des actions de formation et des mesures de détection.
- Enquêter sur les faits signalés, même non avérés (Soc., 27/11/2019).
- Agir pour arrêter le harcèlement, sanctionner l’auteur et protéger la victime (Cass. Soc., 19/01/2012)
Rôle des salariés
Les salariés doivent veiller à la santé et à la sécurité de leurs collègues (article L. 4122-1). Un salarié coupable de harcèlement peut être condamné à des dommages et intérêts (Cass. Soc., 21/06/2006). Les salariés peuvent aussi alerter l’employeur et se retirer d’une situation dangereuse (article L. 4131-1). Le harcèlement peut constituer un tel danger, bien que chaque cas soit apprécié par le juge.
Le rôle du CSE
Le CSE joue un rôle clé dans la prévention du harcèlement moral. Il peut proposer des actions de prévention, que l’employeur peut refuser en motivant sa décision (article L. 2312-9).
Le CSE effectue des inspections et des enquêtes sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, et peut solliciter l’avis de personnes qualifiées dans l’entreprise (articles L. 2312-5 et L. 2312-13).
En cas de risque grave, le CSE peut faire appel à un expert agréé (article L. 2315-94).
Une alerte pour harcèlement moral peut être émise par un membre du CSE, obligeant l’employeur à enquêter et à agir immédiatement.
Si le salarié n’est pas satisfait, il peut saisir le Conseil de prud’hommes, qui peut ordonner des mesures pour mettre fin au harcèlement.
Le membre du CSE peut aussi saisir le Conseil de prud’hommes si le salarié victime ne s’y oppose pas (article L. 2312-59).
Le CSE est également consulté sur le règlement intérieur de l’entreprise, qui doit rappeler les dispositions sur le harcèlement moral (article L. 1321-4).
La prévention du harcèlement moral
La prévention du harcèlement moral implique plusieurs acteurs :
- Médecin du travail : Conseille l’employeur et les salariés sur les mesures à prendre pour éviter le harcèlement (article L. 4622-2 du Code du travail).
- Inspecteur du travail : Peut modifier un règlement intérieur non conforme et veille à l’application des dispositions relatives au harcèlement, constatant les infractions (article L. 8112-2 du Code du travail).
- Procédure de médiation : Permet à la victime ou à l’auteur présumé de recourir à une médiation pour résoudre amiablement la situation (article L. 1152-6 du Code du travail).
- Défenseur des Droits : Peut émettre des recommandations à un employeur si le harcèlement survient dans un contexte de discrimination (CE., 13/07/2017, n° 294195).
Tout acte ou rupture de contrat cachant du harcèlement moral est nul (article L. 1152-3 du Code du travail). Le licenciement est nul s’il est lié au harcèlement (Cass.Soc., 12/01/2022, n° 20-14.024).
Le salarié peut demander réintégration ou indemnisation, cumulant indemnités de licenciement et pour préjudice moral (Cass.Soc., 01/06/2023, n° 21-23.438).
Le salarié peut demander résiliation judiciaire ou prise d’acte, avec effet de licenciement nul (Cass.Soc., 20/02/2013, n° 11-26.560 ; 08/07/2015, n° 14-13.324). Une rupture conventionnelle est valide si le consentement n’est pas vicié (Cass.Soc., 30/01/2013, n° 11-22.332).
Compétence du Conseil de prud’hommes pour harcèlement moral (article L. 1411-1 du Code du travail), délai de prescription de 5 ans (article 2224 du Code civil). Les ayants droit peuvent agir (Cass.Soc., 12/02/2014, n° 12-28.571).
Le salarié doit présenter des éléments laissant supposer le harcèlement. À l’employeur de prouver le contraire (article L. 1154-1 du Code du travail). Preuves : SMS, témoignages, enquêtes internes (Cass.Soc., 31/01/2012, n° 11-85.464).
L’employeur doit enquêter immédiatement sur tout soupçon de harcèlement moral (Cass.Soc., 27/11/2019, n° 18-10.551) et sanctionner le salarié fautif selon l’article L. 1152-5 du Code du travail, sans tenir compte de son ancienneté (Cass.Soc., 07/06/2011, n° 09-43.113).
Il dispose de 2 mois pour agir, sauf en cas de poursuites pénales simultanées (article L. 1332-4 du Code du travail).