La cour d’appel de Paris valide la notion de harcèlement moral institutionnel chez France Telecom
Rappel des faits :
Fin des années 2000,un plan de restructuration comptant 22 000 suppressions de poste, est mené malgré un nombre important d’alerte sur les risques psychosociaux. Le management mis en place montre des pratiques de harcèlement qui avaient entraîné une « vague » de tentatives et suicides.
Premier jugement :
En 2019, le tribunal correctionnel de Paris avait condamné la personne morale et les dirigeants, comme auteurs ou complices d’un « harcèlement moral institutionnel ».
Cours d’appel :
Entre mai et juillet 2022, 6 des dirigeants font appel. La cour souligne, au sujet du texte de prévention (C. pén., art. 222-33-2), dans sa version originelle applicable en l’espèce, que « le législateur et la jurisprudence n’exigent aucune relation hiérarchique existe entre l’auteur et la victime ». Puis déduit d’un arrêt rendu dans ce dossier, en toute fin d’information, par la Cour de cassation (Crim. 5 juin 2018, n° 17-87.524), que « les décisions d’organisation prises dans le cadre professionnel peuvent, dans un contexte particulier, être source d’insécurité permanente pour tout le personnel, et devenir alors harcelantes pour certains salariés ». Elle valide donc la notion de « harcèlement institutionnel ».
Elle précise qu’il a « pour spécificité d’être en cascade, avec un effet de ruissellement, indépendamment de l’absence de lien hiérarchique entre le prévenu et la victime ».
La cour estime pour le PDG de l’époque, Didier Lombard, que même s’il « ne connaissait que quelques-uns des 120 000 salariés, la plupart restant des anonymes, les retombées en cascade et le ruissellement découlant de cette méthode aux conséquences anxiogènes, ont constitué des agissements répétés étrangers au pouvoir de direction et de contrôle.
Le jugement en cours d’appel :
« Didier Lombard a agi en connaissance de cause et avec lucidité, gardant le suivi de sa politique et mesurant ses résultats ».
Concernant Louis-Pierre Wenès, son bras droit, les magistrats considèrent qu’il « avait le discernement, la vision d’ensemble […] pour avoir connaissance des enjeux initiaux [du plan], puis des dérives. […] Lorsque ces difficultés lui ont été remontées, il a pris le parti de les sous-estimer ou de les nier ».
Brigitte Dumont, qui a enchainé plusieurs postes de Direction pendant la période est ainsi condamnée à six mois de sursis simple, sans peine d’amende.
Nathalie Boulanger, directrice des actions territoriales est condamnée à de trois mois de sursis simple. Guy-Patrick Cherouvrier, DRH France et Jacques Moulin, directeur territorial, sont relaxés.
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